ACTU & SOCIÉTÉ

Fado Festival : L’escale marocaine

Publié le : 23/09/2024 - Mohamed Ameskane
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Vitrine du genre à l’international, Fado Festival, rendez-vous itinérant qui parcoure chaque année 18 grandes villes d’Europe, d’Afrique, d’Amérique Latine et d’Asie, débarque à Rabat les 25 et 26 septembre 2024. Conférence, projection et concerts à ne pas rater.



Au début fut le cri ! Un cri qui vient des profondeurs, des tripes. Plaintif, nostalgique, tragique. A écouter les grands noms du Fado d’hier et d’aujourd’hui, on ne peut   pas ne pas penser aux genres similaires. Je pense au Gospel, au Blues, aux Gnaouas, au Flamenco, à la Morna, au Raï, à la Aîta… Des cris de souffrance, de désespoir, d’amertume. Des appels pour oublier la sa condition humaine. Des genres qui, dans l’ensemble, sont issus de traditions populaires, des paysans des plantations de coton, de canne à sucre et de cacao, des marins, des ouvriers des périphéries des grandes mégapoles industrielles. Des paroliers de génie leurs concoctent des refrains sur mesure. Des compositeurs de talent les arrangent et des voix sublimes les interprètent pour notre grand plaisir. Les mots sont forts, terribles. Ils célèbrent les amours inassouvis, les jalousies, les chagrins, les exils, intérieurs et extérieurs… bref cette fameuse saudade qui se refuse à toute traduction. Des mots qui transcendent les tabous, dérangent les régimes dictatoriaux, les moralistes religieux et l’ordre bourgeois. Longtemps réprimés, ils finissent par se hisser au-devant de la scène, quelques fois récupérés par ceux-là même qui les bannissaient. Il a fallu attendre les années quatre-vingt et l’émergence planétaire des musiques du mondes et des musiques dites ethniques   pour découvrir Buena vista club, el gusto, Cesaria Evora, Cheikha Remiti, Fela, Amalia Rodrigues… 
 
Le Fado a bénéficié largement de cet état de fait. Avec l’émigration et les circuits de la world music, il acquit l’image de symbole de l’identité portugaise et débouche sur un processus d’échanges interculturels justement avec les genres similaires. Difficile de le définir, de dénicher ses origines, de conter son histoire tellement elle est composite. C’est la quintessence multiculturelle de danses et chants afro-brésiliennes, de genres traditionnels locaux, de formes musicales de zones rurales…L’ensemble apporté par des vagues successives d’immigration intérieure et des courants de chant urbain cosmopolite. De la poésie populaire ou érudite, des cordes pincées, la guitarra portugaise, cette cithare en forme à douze cordes métalliques, et des voix ensorceleuses à l’instar de celle qui a universalisé le genre, Amalia Rodrigues. Grâce à La Oum Kaltoum du Fado, le genre à vue sa notoriété dépasser les frontières du Portugal. Sa voix, en sillonnant le monde et ses lieux mythiques de spectacle dont l’Olympia, sublima les textes des grands poètes tels Luis Vaz de Camoes, José Régio, Pedro Homem de Mello, Alexandre O’Neill et le génial Fernando Pessoa, encore l’un des mythes fondateurs de l’identité portugaise.
 
Le Fado, qu’il soit de Lisbonne, des quartiers Alfama, Castelon Mouraria, Bairro, Alto, Madragoa, ou de coimbra a aujourd’hui ses lieux appréciés par les visiteurs de Lisboa, des associations pour sa sauvegarde et son musée.
 Une nouvelle génération, à coup de rénovation, d’introduction de nouveaux instrument dont le violent, nous offre un nouveau fado universel par excellence. Je pense, entre autres, à Mariza Ana, Ana Moura, Maria Ana Bobone, Joana Amendoeira, Mafalda Arnauth, Ana Sofia Varela…. et Susana Maria Alfonso de Aguiar, connu sous son nom artistique Misia. Avec son décès le 27 juillet 2024, le fado vient de perdre l’une de ses ambassadrices de choix.

Le Fado et la liberté
L’édition de Fado festival de cette année est concoctée sous la thématique « le Fado et la liberté ». « Anticonformiste, indépendant et libre. Même pendant les années sombres du régime de Salazar, sous la peine castratrice de la censure, la poésie du fado, qu’elle soit d’origine populaire ou érudite, a toujours démontré qu’elle était capable de stimuler et d’entretenir la flamme de l’espoir et du rêve. » A cause de la dictature, Pendant des décennies, les vers dangereux ont été évités. Mais la grande Amalia a eu le courage et le luxe d’entonner à la télévision un poème sur un prisonnier politique!  La révolution des œillets du 25 avril 1974 apportait un souffle de liberté dont bénéficia le fado. Rodrigo Costa Félix, chanteur de fado professionnel depuis 30 ans et l’une des plus grandes références de sa génération, donnera une conférence justement sur  « le fado et la liberté », le mercredi 25 septembre à 18h30 au théâtre National Mohammed V, en prélude au concert de Beatriz Felício.  Le jeudi 26 septembre à 18h30, on est convié à la projection du film de Fransisco Manso « O Cônsul de Boréus », un drame réalisé en 2000 qui narre l’histoire   d’un consul portugais à Bordeaux pendant la Seconde guerre mondiale.
 
Deux concerts exceptionnels
Pour cette 7éme cuvée de Fado festival, 14éme mondiale, nous sommes conviés à deux concerts exceptionnels :
 
Beatriz Felicio
25 Septembre 2024 à 20n
Théâtre National Mohammed, Rabat  
"Beatriz Felício a découvert le Fado dès son enfance et a créé sa propre identité artistique, sans jamais dénaturer la tradition. C’est aux maisons de Fado de Lisbonne qu’elle apprend auprès de ses aînés et choisit ses références, comme Amália Rodrigues, Fernanda Maria ou Carminho. Actuellement, nous pouvons l’entendre chanter dans les maisons de fado les plus emblématiques de Lisbonne, après avoir également commencé son voyage international, faisant passer le fado au-delà des frontières. Elle a remporté le « Ageas New Talents Award » en 2022, la même année où elle s’est produite lors de la cérémonie d’ouverture du Womex. En 2024, elle s’apprête à présenter son premier album tant attendu, dont on peut déjà entendre le premier single, « A canção da Bia »"
 
Matilde  Cid
26 Septembre 2024 à 20h
Théâtre National  Mohammed V, Rabat
"Matilde Cid a grandi au Alentejo, dans une famille liée à la musique et les soirées familiales étaient consacrées à jouer de la guitare, du piano et du chant. Son père était fan de jazz, de blues et de bossa-nova, sa mère était fan de fado. En raison de son influence maternelle, le fado est devenu sa musique préférée. Plus tard, elle est venue à Lisbonne où elle a découvert la véritable essence bohème de la musique urbaine dans différentes maisons de fado de la ville. En 2019, sort son premier album Puro, nominé pour le prix du meilleur album de fado dans l’édition 2020 des PLAY – Portuguese Music Awards. Elle a fait plusieurs apparitions au Festival de Fado Caixa Alfama et a été présente au Festival de Fado des Îles Canaries, au Festival NOS Alive, entre autres concerts au Portugal et à l’étranger. En novembre 2023, sort sa deuxième œuvre, Desassossego, très bien accueillie par la critique et qu’elle présentera pour la première fois au Festival de Fado du Maroc."
 
Ne ratez pas l’événemnet. « Au théâtre ce soir » citoyens !

Billetterie :
Mercredi 25 septembre : https://www.guichet.com/concerts-festivals/fado-festival-2024-la-7eme-edition-au-maroc-rabat-25-sept
Jeudi 26 septembre : https://www.guichet.com/concerts-festivals/fado-festival-2024-la-7eme-edition-au-maroc-rabat